Ce titre est un prétexte pour nommer des couleurs médiévales. Car si le pigment produit une couleur il faut encore pouvoir la nommer ; c'est ce que nous verrons avec la table des synonymes de Le Bègue. Je pense donc qu'avant d'arriver à de telle subtilités nécessaires cependant pour tout fabricant de couleurs anciennes, nous devons lire et emmagasiner les divers termes de couleurs en usage au Moyen Age ; et ceci tant en français qu'en latin.
Le premier livre que je vais exploité date de 1978 et a été rédigé par Andres M.Kristol. Color. Les langues romanes devant le phénomène de la couleur. Il reprend l'introuvable livre de Jacques André : Etude sur les termes de couleur dans la langue latine, 1949.
Sur l'échelle des couleurs médiévales, le jaune se situe entre le rouge et le bleu. Elle n'a rien à voir avec sa place sur le cercle chromatique que nous connaissons maintenant. (je reviendrais dans un autre article sur l'échelle des couleurs médiévales - il faut que je creuse un peu plus la question-).
Les Romains distinguaient les teintes pâles des teintes blanches. La famille de couleur Pallidus décrit des objets jaunes tels que le safran, le souffre, l'ioire vieillie et même l'or. La couleur Galbinus était rejetée des Romains de bon goût qui préféraient le jaune à tendance orange tandis que ce jaune vert était aimée des parvenus et des Barbares.
Découvrons maintenant ce qui nous intéresse. Pour le voisinage avec le rouge et le futur champ orange, déjà constitué grâce à deux termes de teinturerie : LUTEUS (au départ pour la couleur obtenue par le suc de la gaude - d'où le nom de la plante : Reseda luteola -resedare voulant dire calmer, guérir) et CROCEUS : couleur du safran introduite de Grèce. Croceus n'apparaît qu'avec Virgile et reste longtemps attesté uniquement en poésie.
Croceus en catalan : groc ; en ancien occitan : groc/croc/cruec.
Ainsi dans le texte d'un troubadour, Flamenca (vers 207/209) :
E paballos de manta guiza (...)
de cruecs, de blancs e de vermeilz.
Les troubadours : Jaufre Flamenca, Barlaam et Josaphat. Texte et traduction de René LAVAUD et René NELLI. Desclée de Brouwer ,1960.
/Croceu/ ne concerne que le safran en tant que produit.
Ung champ Saffrané, qui estoit tout semé de saffran,
(dicitur de agro, in quo crocus seminatus est, in Lit. remiss. ann. 1459. ex Reg. 188. Chartoph. reg. ch. 110 ) extrait du Glossaire de Du Cange.
A Lienart de Bruges, merchier et tainturier de safours, pour III de flours, bougherant et laches. (13 déc. 1403, Tut. des enfants de PIerart du Ponchier, Arch. Tournai) extrait de Godefroy (safleur, saffleur, safour). Il s'agit ici du faux safran, le carthame qui jaunit en milieu alcalin.
Safran médicinal : crocus sativus L. (voir Pline 21, 31 sq ; cf Dsc. gr. 1, 26 qui distingue le crocus satiuum et c. silvestre).
Pour recentrer les choses sur la couleur croceus, je me réfère à la publication de Mrs Merrifield de la Table des synonymes de Le Bègue. J'ai repérer les pigments qui produisent une couleur croceus :
* Auripigmentum
* Arsicon
* Saffrano
* Nigri pruni cortex secundus
* Herba similiter vaccinium vocata
"Croceus" a été lexicalisé comme terme de couleur dans les langues romanes.
le "crocus sativus" donne du safran il semble logique alors que les couleurs croceu, saffrano.
L'Orpiment est un minéral jaune composé de trisulfure d'arsenic de formule As2S3 alors il n'est pas idiot de penser qu'il s'agisse d'un jaune proche de l'or car le crocus. Donc auri pigmentum et arsicon sont semblables.
Rédigé par : Ca | dimanche 03 avr 2011 à 20:19
oui c très intéressant de voir que sous le vocable croceus on trouve divers pigments.
je n'ai pu identifié les deux derniers. Avez-vous une idée ?
Rédigé par : Dame Chlodyne | dimanche 03 avr 2011 à 20:26
en fait "Herba vaccinium" est la pensée des vosges ou viola lutea, ayant pour caractéristique d'être jaune
Rédigé par : Ca | lundi 04 avr 2011 à 18:48
COncernant Negri pruni cortex sucundus il s'agit plus que probablement de l'écorce de prunellier qui donne une couleur jaune.
Rédigé par : Ca | lundi 04 avr 2011 à 19:12
merci pour votre réponse. pourriez-vous citer votre source ? est-ce une attribution récente ? qu'en était-il au Moyen Age ?
Rédigé par : Dame Chlodyne | lundi 04 avr 2011 à 19:23
alors pour mes sources (crocus, pensée sauvage, écorce cde prunellier), ma grand-mère est décédée il y a fort près de 20 ans. Elle le tenait semble-t-il de sa mère etc... Je n'ai malheureusement pas retenu tout ce qu'elle racontait.
Rédigé par : Ca | mercredi 20 avr 2011 à 21:42
Bonjour,
- Auripigmentum (= arsenicon) = orpiment
- Arsicon = arzicà = laque de gaude c'est à dire reseda luteola
- nigri pruni cortex secundus = aubier de prunier noir, utilisé pour la fabrication d'encre (Merrifield p162)
- Herba similiter vaccinium vocata = viola lutea, violette jaune qui doit mise à sécher puis à bouillir. On récupère la décoction concentrée en la passant à travers un linge fin et on la fixe (en la versant) sur de la craie.
Rédigé par : Eléonore | dimanche 08 juil 2012 à 15:57
Bonjour Eléonore,
Merci pour ces précisions. Pour la violette avez-vous une référence ?
Rédigé par : Dame Chlodyne | dimanche 08 juil 2012 à 16:47