En faisant référence à un ancien article Les instruments de l'écriture, deux auteurs médiévaux ont décrit en utilisant des termes propres à l'écriture, les instruments nécessaires aux clercs et aux écrivains. Il s'agit de Jean de Garlande et d'Alexandre Neckam.
Le premier nous indique les instruments nécessaires au clerc :
livres,
pupitres (pulpita)
Il est bon de s'arrêter sur ce mot. Anciennement, pulpitum désigne le jubé, le lieu où la prière était prononcée dans l'église.
Les pulpita ont pour ce qui nous intéresse, les synonymes letruns et estapiaux. Il s'agit dans le texte de Garlande d'un pupitre où sont posés les livres (ou d'un pupitre où l'on écrit ? Il me semble que les termes employés distinguent ces deux utilisation, lecture et écriture mais celà est à confirmer).
Victor Gay dans son Glossaire archéologique, nous renseigne sur deux significations. Ainsi il distingue le lutrin d'étude et le pupitre d'autel.
Ainsi, en 1454, pour Charles de France, il est mentionné dans les archives nationales : "A Sainton Fumelle, menuisier, demourant à Chinon, pour une tablete carrée assise sur une croisee de fort boys et sur ung pié qui tourne à mectre dessu les poulpitres et livres où apprant mondit seigneur".
En ancien français, on trouve les mots pupistre et pupitre, réfection de pepistre emprunt adapté au latin pulpitum. On trouve aussi au XVème siècle le mot français poulpite.
Violet le Duc décrit la tablette du lectrin de bibliothèque comme ayant une forme circulaire. Or Du Cange traduit le mot roë comme un pupitre tournant. Godefroy précise : "Pupitre disposé en forme de roue tournante, soit horizontalement sur le pivot dressé perpendiculairement au centre, soit verticalement sur un axe horizontal, de manière à maintenir à tous les volumes qu'il soutient la même inclinaison".
Le lutrin, d'abord letrin, issu du latin populaire lectrinum, dérivé de lectrum.
En 1402, les archives nationales mentionnent : "A Raoulet Dugué, huchier, pour un letrin de bort d'Irlande, pour mettre le livre de madame Michiele de France où elle aprent, 54 s.p.".
En 1454 dans les comptes royaux, nous retrouvons un "Sauveton Fumelle, menuisier, demourant a Chinon, pour avoir fait un leutrin pour mon dit seigneur, a tenir ses heures devant lui quant il oyt sa messe".
Plus intéressant encore, un extrait de François Villon : "C'est maistre Guillaume Cottin Et maistre Thibault de Vittry, Deux povres clercs parlans latin, Humbles, bien chantans au lectry [variante de letrin], Paisibles enffans sans estry [sans dispute]" (Lais R.H., c.1456-1457, 24).
En ancien français, on trouve aussi les formes lactrains et lectryn.
Viollet le Duc donne une définition très précise du lutrin auquel il joint le mot pupitre. "Meuble en bois ou en métal, disposé pour recevoir un ou plusieurs livres ouverts de manière à en faciliter la lecture. Il y a plusieurs sortes de lectrins : les lectrins fixes placés au milieu des choeurs des églises à l'usage des chantres, les lectrins facilement transportables pour lire l'épître et l'évangile sur le jubé à l'entrée du choeur, les lectrins de librairie, de bibliothèques pour poser des livres à consulter".
L'estaplier est documenté par Victor Gay. En voici sa définition : pupitre, lutrin servant au choeur à lire l'épitre ou l'évangile et à réciter les leçons des heures canoniales.
En 1321 dans l'inventaire de l'évêché d'Arras, on trouve le mot latin estapletum.
Notons aussi que l'inventaire de la cathédrale de Cambrai révèle : "un petit coussin quarret que on met sus l'estapliel de fier leur on dist l'euvengille" (1359).
Dans l'inventaire de Saint Amé de Douai : "Un estaplet de fer servant à dire les lechons aux ténèbres. - Un estaplet de bos servant aux jours fériaulx à dire l'espitle et euvangille" (1469).
Notons aussi en 1505, les mots stapliau et le métier d'escrignier : "A Lambelin, l'escrignier, pour un noef stapliau portatif servant aval l'églize, 5 aidan" (Comptes de l'église de Saint Jean de Namur, Le Beffroi, T.III, p. 295). [ l'escrignier, est répertorié par Du Cange en 1411 : "Colart Monnart Escrignier pour lors qu'il demouroit à Tournay, etc. Pierre Buridan Escrinier ou charpentier de menyserie demourant en la ville de Guise en Thieresse".
Godefroy donne la définition suivante de l'estaplier : table, pupitre lutrin. "Ung petit estaplier a chanter anvangille" (1489). Autre exemple : "Les chantres du roy chanterent a ung estaplier, et ceulx de monseigneur à l'autre, tour à tour, qui estoit chose fort melodieuse"(Molinet, chron. DJ t.2 1474-1506, 504).
estaple, estapel,estaplel, estapliel,estapleau, estapliau : lutrin, pupitre, tribune.
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