On pourrait croire qu’à chaque pigment son pot. C’est généralement ce que les auteurs des traités techniques préconisent. Une recette fait cependant exception. Elle a été écrite en latin, en France entre la fin du 13e et au début du 14e siècle. Il s’agit de la recette §152 De la manière dont on fait et détrempe les couleurs blanche [blanc de plomb] et verte [vert-de-gris] du De Coloribus faciendis rédigé par Pierre de Saint-Omer et publié par Mrs Merrifield en 1849.
Pour les deux pigments, le blanc de plomb et le vert-de-gris, le procédé technique est le même. On fait réagir des lames de métal aux vapeurs de vinaigre dans un récipient bouché (avec de l’argile ou du ciment ou de la cire) et laissé dans un lieu chaud (du fumier de cheval chaud) pendant trente jours. Ces lames sont posées sur des cales en bois et en dessous, est mis du vinaigre ou du vin sans que les lames ne touchent l’acide.
Là où les auteurs des autres réceptaires écrivent deux recettes distinctes pour ces pigments et donc deux récipients, Pierre de Saint-Omer, lui, en utilise un seul. La fabrication du blanc de plomb et du vert-de-gris se fait donc simultanément et dans un même contenant. Ce récipient n’est pas identifiable car il est écrit sous ses formes génériques ‘vase’ et ‘vas’ dans la recette latine.
Le double contenu des pigments blanc et vert répond-il à un souci de productivité des couleurs ? On peut le croire. Le pragmatisme de notre auteur nous montre un rapport contenu/contenant inattendu. Ce récipient qui contient les lames de métal de plomb et de cuivre ou d’alliage de cuivre (airain ou bronze) est enfouis trente jours. Ce temps de fabrication des pigments a sans doute été expérimenté sur les deux types de métaux avant l’écriture de la recette. On imagine aisément le peintre ou un membre de son atelier faire ces expérimentations.
Ces praticiens des couleurs expérimentent puis consignent par écrit leur mode de production des couleurs. Pierre de Saint-Omer est sans aucun doute l’un d’eux. Son réceptaire est en cela intéressant qu’il développe une logique de fabrication des pigments. Il transpire dans son traité, un souci d’organisation dans la production des couleurs. Ceci est particulièrement valable pour les couleurs blanche et rouge. Je m’explique. La recette étudiée ici de fabrication de blanc de plomb et de vert-de-gris fait partie d’un ensemble d'autres recettes de production de couleurs vertes. Le blanc de plomb est un intrus qui partage le pot du vert-de-gris. Le texte va faire une parenthèse à sa suite logique des couleurs vertes pour une recette de couleur rouge, le minium, (§154 Pour faire du minium avec la couleur blanche dite avant) faite à partir du blanc de plomb. Puis la suite logique des recettes de couleur verte reprend ses droits.
Extrait du livre que je rédige actuellement :
Le Vaisselier du peintre. Les contenants des couleurs médiévales
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Dame Chlodyne
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