Le célèbre bleu outremer moderne (qui a donné le bleu Yves Klein) et mis au point il y a plus de deux cent ans par Guimet trouve sa source au Moyen Age avec le lapis lazuli. Cette pierre semi-précieuse était importée d'Afghanistan. Elle valait son pesant d'or. Cet outremer ou ultramarine comme on le disait à l'époque, était fourni par le commanditaire des peinture, avec l'or. Ainsi l'or et l'azur n'étaient pas à la charge du peintre.
Il n'est pas question dans cet article de récipient mais de tour de main. Comment fabriquait-on ce pigment bleu lapis-lazuli, par ailleurs très onéreux ? Il faut réduire la pierre en poudre et la laver. Beaucoup de traités techniques médiévaux décrivent ce lavage de la pierre de lapis-lazuli. Ce tour de main visait à débarasser la précieuse poudre bleue de ses impuretés, la pyrite qu'elle contient. Pour emprisonner ces paillettes d'or, le praticien des couleurs devait faire une boulette résineuse. J'ai sélectionné un traité italien rédigé en latin et dont j'ai traduit la formule.
Voici la recette [1.3.1 B] du Liber Diversarum Arcium :
Nous allons voir de quelle manière se fait le laçulum.
Prends de cette pierre et mets-la dans l'eau et lave, frotte et ensuite broie et ce que tu trouves de pur, garde-le séparément. Ensuite broie et réduit en poudre minutieusement, puis prends et lave jusqu'à ce que la couleur pure reste et apparaisse séparée de la mixture, ce qui permet de la sécher. En dernier lieu, prends de la gomme arabique, de la colophane, de la cire blanche en égale quantité et de l'aloès hépatique et de la résine autant que tu veux ; liquéfie le tout à feu lent dans un vase propre et forme sur le mode de la pillule ronde ou longue et mets la poudre [de lapis lazuli] premièrement dissoute dans l'eau dans cette pillule que tu roules et re-roules : et si il y avait des impuretés d'or ou d'argent ou d'autres impuretés, elles adhéreraient à la pillule et la poudre resterait pure. Ensuite collecte-la et sèche-la au soleil et conserve-la selon l'usage.
Au 15e siècle, cette recette est la première du traité vénitien. D'autres textes donnent des variantes de la boule résineuse. Je vous les écrirai dans des articles postérieurs (ne dévoilont pas tout d'un coup !).
Quel génie de confectionner cette résine pour faire adhérer les impuretés de la pierre ! Auriez-vous soupçonné un tel tour de main dans la préparation d'un pigment en poudre ? Je suis toujours suprise de celà et c'est aussi ce qui me motive dans l'étude des réceptaires (=les traités techniques, les livres de recettes). J'aime partagé avec vous ce que je lis. Ce genre de littérature est tellement peu exploité sur Internet !
Que pensez-vous de l'article ?
(Laissez vos impressions dans les commentairess)
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Dame Chlodyne
Y a-t-il une recette pragmatique avec des dosages et le nom des produits à utiliser pour la "fabrication" du pigment?
Je dispose de poudre brute et j'aimerais la convertir en pigment pour utilisation en peinture.
Merci de m'adresser une réponse à l'adresse mél suivante :
[email protected]
Rédigé par : Daniel HEUDRON | mardi 25 juin 2013 à 10:47
Bonjour,
Il y a bel et bien une recette type mais il faut savoir que les liants sont fonction de la nature des pigments. Pour les pigments de synthèse pas de problème, on peut mélanger avec un liant à base de gomme arabique et de glaire d'oeuf.
(je vous ai envoyé une réponse à votre adresse).
Dame Chlodyne
Rédigé par : Claudine | mardi 25 juin 2013 à 17:45