Les deux Évangélistes du Livre de prières d’Alphonse V d’Aragon conservé à Londres (British library Additionnal 28962) sont très intéressants pour ce qu’ils montrent des outils de copiste rarement vus.
Saint Luc (ci-dessus) est représenté au folio 34v entrain de regarder sa plume tenue de la main droite à hauteur d’yeux. Dans la main gauche, il a un encrier/porte-plumes dont on voit l’alvéole au centre pour l’encre et les quatre trous sur les côtés pour mettre les plumes. Il va ou vient de tremper sa plume dans cet encrier.
Devant lui, sur le meuble où le taureau est assis, sont posés le phylactère écrit, un canivet et ce qui pourrait être un ponchon de sandaraque, comme il s’en vend encore aujourd’hui dans les fournitures du calligraphe.
On l’utilise en tapotant la surface du parchemin pour que l’encre adhère mieux. La résine de sandaraque, réduite en poudre, passe à travers le linge et vient se déposer sur la surface. Elle provient du thuya espagnol, d’Afrique du Nord-Ouest et de la Sicile. Qu’en était-il avant ? Dans l’Antiquité, Vitruve nomme sandaraca, le minium et le réalgar (deux pigments rouges toxiques). Au Moyen Age, la sandaraque est confondue avec le genévrier. Puis, cette résine servait à la confection des vernis. Ce ponchon contient-il réellement cette substance ? C’est la première fois que je rencontre ce type de sachet dans les représentations de scribes. On le voit encore sortant de la fenêtre d’où saint Mathieu écrit dans le même manuscrit (folio 32, image ci-dessous).
Pour revenir à saint Luc, voyons ce qu’il y a à l’intérieur du meuble posé devant lui. A l’étage supérieur se trouve une burette d’encre noire comme on en trouve dans les enluminures de scribes byzantins. A côté, il y a une sorte de pierre qui pourrait être la ponce. Couramment appelée la pierre ponce, elle sert aussi à la préparation du parchemin pour l’écriture. Au dessous dans l’arcature, se trouve un pot à deux anses, décoré de deux lignes bleues surmontées de points bleus, dans lequel se trouve deux plumes baignant semble-t-il dans un liquide.
Ce même pot se retrouve dans une autre enluminure où est représenté l’auteur Bruneto Latini en frontispice du Livre du Trésor réalisé à Lille ? après 1418 (conservé à Bruxelles, Bibliothèque Albert Ier ms 10386 folio 39 ; image ci-dessous), soit une vingtaine d’années avant le manuscrit espagnol.
Ce petit pot d’eau est mentionné en 1540 par Giovambattista Palatino. Il dit que l’on doit tenir « les plumes dans un vasetto d’eau à température ambiante. Parce que la plume ne doit surtout pas être sèche car sinon elle ferait la lettre défectueuse et il est très difficile d’écrire avec » (traduction d'Alessio Loretti).
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