Parmi le mobilier du scribe, se trouvent quelques sièges que je qualifierai "d'évasés" parce qu'ils présentent soit un accoudoir enroulé, soit un dossier se terminant en haut par ce même type d'enroulement. La forme fait penser à un chapiteau corinthien.
- Sièges évasés à accoudoirs enroulés
C'est en France, au IXe siècle que l'on trouve ce genre de siège. En voici 2 exemples :
Saint Mathieu, France, c.860, New York, Pierpont Mogan library, ms 862 folio 12v
Saint Mathieu, Saint Amand, IXe siècle, Cologne, Schnutgen museum, G 531
- Dossiers évasés se terminant par un enroulement
Nous trouvons des exemples de dossiers de bancs-trônes se terminant par un enroulement. Mais avant de voir ces exemples, il y a deux solutions de dossier assez semblables malgré l'intervalle de trois siècle qui les sépare. En effet, les formes courbes du dossier épousent à merveille l'assise du scribe. Dans l'exemple du XIIe siècle, le dossier se prolonge sur le siègle lui-même jusqu'à faire une seule partie. C'est somme toute, un siège à dossier !
Saint Luc, Tours, 2ème moitié du IXe siècle, Paris BNF latin 269 folio 150v
Saint Luc, Bible de Souvigny, Bourbonnais, fin XIIe siècle, Moulins, BM 1 folio 342
Un exemple allemand des IXe-Xe siècle, propose un dossier animalier, très semblable cependant dans ses formes, aux précédents.
Saint Marc, Saint-Gall, IXe-Xe siècle, Munich Bayerische staatsbibliothek Clm 22311 folio 97
Voici d'autres exemples :
Saint Marc, Nevers, IXe-Xe siècle, Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève 17 folio 62v
Pierre Lombard (Lettre Q), Bourgogne (La Charité sur Loire ?), 3ème quart du XIIe siècle, Londres, British library Yates Thompson 17 folio 42v
Un autre exemple, avec un semblant de dossier, plus petit, à peine suggéré :
Saint Marc, Utrecht 1332, La Haye 10B21 folio 117v
- Dossier évasé avec tenture
Lorsque deux montants du dossier sont figurés, le dossier est plein ; il s'y toruve une tenture, sans doute pour éviter les courants froids de glacer le dos du copiste. Nous trouvons deux exemples, à quatre siècles d'intervalle.
Saint Luc, Mayence IXe siècle, Munich, Bayerische staatsbibliothek Clm 4451 folio 176
Salomon écrivant les Proverbes, Picardie ?, vers 1220-1230, Paris, bibliothèque Mazarine 36 folio 240v
Bonjour,
Merci pour cet intéressant corpus.
Il faut néanmoins penser à relativiser la valeur documentaire de ces enluminures, surtout en ce qui concerne la position assise des copistes.
Celle-ci renvoie en effet à une volonté de magnifier ces personnages, en particulier lorsqu'il s'agit des évangélistes. Aussi leurs sièges, qui s'aparentent parfois même à des trônes et s'inspirent souvent des chaises curules romaines, ne renvoient pas nécessairement à une réalité matérielle.
Cela dit, vos remarques sur le matériel du scribe illustré dans les miniatures est souvent très pertinent et bien documenté.
Rédigé par : Rémy Cordonnier | dimanche 20 juil 2014 à 17:16
Bonjour,
Oui, c'est vrai que ces documents ont parfois une part de réalité toute relative. Je n'en fait pas forcément état, c'est vrai. Je n'ai peut-être pas le recul suffisant pour cela. J'ai le nez planté dans mon corpus tous les jours et j'avoue êtes complètement hypnotisée par ces images !!
Vous faites bien de préciser cela. Je vous en remercie. N'hésitez pas à intervenir de nouveau !
Merci pour votre intérêt.
Claudine Brunon
Rédigé par : Claudine | mercredi 23 juil 2014 à 22:25
Bonjour,
A votre invitation je complette mon intervention car j'ai repensé à notre échange en revoyant une image que je connais bien en tant qu'audomarois : celle de Lambert de Saint-Omer au début de son fameux Liber Floridus.
Comme vous le voyez sur cette reproduction : http://blog.pecia.fr/public/a_floridus.jpg , le copiste est manifié par une chaises très ornée, et il tient une plume non ebarbée (fait peu probable dans la réalité mais qui ici confirme la nature de l'outil), ainsi que son couteau. Mais on remarquera que l'écriture ne tient pas compte non plus de la réalité puisqu'elle a été volontairement tournée afin de pouvoir être lue par l'utilisateur du manuscrit. On y retrouve un écho du texte adjacent destiné à confirmer au "regardeur" du manuscrit que c'est bien l'auteur de ce dernier qui est ici figuré.
Les éléments de la composition ne sont que des signifiants, dirait saint Augustin, qui renvoient à autre chose qu'eux-mêmes. Ils n'ont donc qu'un lien ténu avec la réalité.
Ce document est une composition, pas une photographie, c'est meême - pour flirter avec l'anachronisme - une publicité pour l'auteur : c'est un bon scribe, un savant reconnu, prieur de sa communauté comme le montrent ses attributs.
Rédigé par : RC | lundi 01 sep 2014 à 16:01
Bonjour,
Je vous remercie pour ces informations éclairantes et pour le lien vers l'image de Lambert de Saint-Omer. Elle est très belle, je ne la connaissais pas !
J'ai souvent des plumes non ébarbées peintes dans la main des copistes. Les barbes sont aussi peut-être présente pour distinguer l'animal dont la plume est issue ?
J'ai aussi plusieurs écritures de textes présentées au lecteur de manière horizontale et qui ne tient pas compte de la position verticale du livre.
En effet, avec ces éléments, la réalité a peu de place. Il s'agissait plus sans doute, de représenter un auteur avec tous ces attributs conventionnels, fussent-ils une composition savante de l'image et avec des éléments récurrents qui appartiennent au monde du copiste.
Si vous me le permettez, je reprendrait les termes 'publicité pour l'auteur' (en vous citant bien sûr), qui me semblent assez juste, même si très modernes !
Rédigé par : Claudine | mardi 02 sep 2014 à 10:04