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samedi 28 mar 2015

Commentaires

Aurélie Houdebert

Très intéressant en effet de savoir que les scribes teignaient leur cornet à encre. Est-ce purement ornemental (et du coup se pose la question de la valeur symbolique de cette couleur pour un cornet à encre) ou la réaction chimique par laquelle on obtient la couleur a-t-elle une incidence sur la qualité du récipient? sur l'encre qu'il contient? des pistes à creuser en tout cas, merci pour ce focus iconographique.

Claudine

Bonjour,

Je vous remercie pour votre commentaire. Dans ce beau corpus réuni, il y a des cornets de différentes couleurs : verts, rouges, marrons, métalliques (or), et d'autres que j'oublie certainement. Il faudrait que j'interroge ces images de nouveau ... Ce qui pourra être une piste intéressante pour mon livre sur l'Inventaire du copiste.

Pour répondre à vos questions, je pense que la partie ornementale est importante. En effet, comme dit dans l'article, le Moyen Age doit se penser en couleur. Et je suppose que les matériaux bruts ne devaient pas forcément faire partie de l'environnement du copiste (si l'on pense que même les plumes étaient peintes). Du moins, je le suppose ! Ainsi, les cornets à encre étaient teints, sans doute pour le plus grand plaisir des yeux. Peut-être aussi dans un souci d'esthétisme, lorsqu'un prince ou autre noble personnage venait à visiter le scriptorium. La comparaison peut sembler osée, mais on dit actuellement qu'une femme est coquette jusqu'au bout des ongles, ici, la coquetterie ou la beauté de l'acte d'écrire et son importance de la parole divine révélée serait visible jusque dans la couleur du cornet !

Quand à la qualité du récipient, elle doit en effet se voir modifiée au regard de la réaction du vinaigre sur le cuivre. Je serait enclin à penser que ces cornets teintés en vert, contenaient de l'encre verte faite avec du vert-de-gris. C'est cette couleur qui teinte le cornet, donc il devait aussi se trouver à l'intérieur du cornet. Quoi de plus naturel que d'utiliser alors une encre verte faite avec ce pigment !

Ce pigment s'obtient en suspendant des lames de cuivre par le bouchon d'un bocal. On met au fond du vinaigre fort, sans que les lames touchent le liquide. On enfuit le pot dans du fumier pendant six à sept mois. Après, on râcle ce qu'il y a sur les plaques, on fait sécher et c'est le vert-de-gris. Ça c'est pour ce que l'on appelle le Vert de Grèce (qui a donné son nom à vert-de-gris). D'autres qualités de vert-de-gris sont proposées dans les recettes. Ainsi, pour le vert de Rouen, c'est le même procédé, seulement on enduit les lames de cuivre de bon savon et on met dans un lieu chaud pendant quinze jours à un mois. Si on veut faire du vert salé, il faut enduire les lames de cuivre de miel et saupoudrer de sel calciné et mettre le récipient dans du fumier pendant quatre semaines.
Cela vaut pour la fabrication du pigments. Ce sont les recettes principales. Il en existe encore quelques unes.

Pour faire de l'encre verte à partir du pigment vert-de-gris, on peut le broyer avec du suc de rue et du bon vinaigre, puis le détremper avec de la gomme arabique à laquelle on a ajouté ce suc de rue et le vinaigre. Autre manière de faire l'encre verte : on met du vert-de-gris détrempé avec du miel et du vinaigre en quantité égale dans un vase de bronze, de cuivre ou de verre que l'on met dans du fumier pendant deux semaines. Puis on prend le récipient et on rejette les résidus et on écrit avec le liquide clair qui surnage.

Voilà ce que je peux dire sur ces cornets verts et leur contenu.

J'espère avoir répondu à vos questions ?

Bien cordialement

Claudine Brunon

Claudine

Bien qu'il y ai des recettes de coloration de la corne en rouge, bleu ou jaune-vert et d'autre tours de mains pour teindre encore en vert, il est aussi possible, comme me l'a indiqué le Dr Mark Clarke, que l'encre contenu dans la corne, colore la corne elle-même ! Mais le fait de décorer la corne n'est cependant pas étranger au copiste. Il peut peindre la corne avec des rayures (j'ai 2 exemples) ou bien l'orner de traits et points dorés. Il y a bien une volonté d'embellissement du cornet à encre.

Mathilde

Coucou Claudine,

Bravo pour cet article fort intéressant, cela donne envie de mettre encore plus de couleurs dans nos échoppes d'enlumineurs! Et merci pour le lien vers la base de données des recettes, c'est vraiment intéressant!
A bientôt
Mathilde

Claudine

Bonjour Mathilde,

Oui voilà de quoi colorer nos échoppes d'enlumineresses.

A bientôt

Claudine

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  • Claudine Brunon: Deux Vaisseliers de peintre. Étude sur les contenants des pigments
    Dans Histoire et Images Médiévales, numéro 49, avril-mai 2013, pp.21-24
  • Claudine Brunon: Le Broyeur de Couleurs. Le peintre et son apprenti
    dans Histoire et Images Médiévales, numéro 47, décembre/janvier 2012-2013, pp.34-38.
  • Claudine Brunon: L'Inventaire du Scribe. Les Outils Indispensables pour bien Ecrire sur Parchemin avant l'Imprimerie
    En cours de rédaction
  • Claudine Brunon: Le Vaisselier du peintre. Les contenants des couleurs médiévales
    En cours de rédaction ...
  • Claudine Brunon: Pinceaux, godets et coquilles du peintre médiéval
    Dans Moyen Age, n°98, août-septembre-octobre 2014, pp.38-43.

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