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samedi 28 avr 2018

Commentaires

Rémy Cordonnier

Chère Claudine,

Joli lot d'images ! Mais nouveau attention à ne pas surinterpréter la dimension documentaire de ces enluminures : cet élément du décor , à quelques exceptions près, est en réalité un instrument de decorum, d'apparat, lié à la tradition de représentation du copiste assis dérivée elle-même des figurations tard-antique et carolingienne des évangélistes à la fois en majesté : assis, sur un siège imposant et orné avec tous le confort, et dans leur travail de copiste... Or la copie, et l'enluminure au Moyen Âge s'est longtemps faite debout, face a pupitre, à main levée (d'où les complaintes que l'on trouve dans certains colophon sur la pénibilité du travail etc.), du coup les coussins ici ne sont plus des éléments qui viennent magnifier le personnage, montrer son importance et son autorité : d'ailleurs la plupart de vos personnages sont des évangélistes ou des saints. Le David Aubert est en revanche plus intéressant car il témoigne, pour le coup d'une évolution des pratiques. On est à la fin du Moyen Âge et dans l'atelier d'un clerc privé de renom, l'intérieur est probablement plus proche d'une certaine réalité. Et vous remarquerez qu'il n'est pas à proprement parler "assis" mais dans la même position que les religieux sur les miséricordes de leurs stalles : semi-debou. Toutefois, là encore il faut être prudent car dans la rhétorique picturale on distingue de nombreux éléments qui suggère un rapprochement entre l'écriture et la prière : le banc de copiste proche d'un banc d'église, la position des mains très rapprochées sur le livre ouvert comme pour une prière, l'assise comme sur une stalle et le décor du banc ouvragé comme des vitraux... bref : là encore il s'agit plus d'un message allégorique qu'un témoignage d'une réalité technique.
Ce qui serait intéressant c'est que vous enrichissiez vos corpus iconographiques de sources textuelles.

Bien cordialement,

RC

David Gany

Pourquoi croyez vous que les scribes du moyen age travaillaient debout? Sur le plan de St Gall on note les sieges des scribes dans le scriptorium, et toutes les illustrations montrent des scribes assis.

Rémy Cordonnier

Bonjour,

En réalité is ne sont ni assis ni debout mais plus en position semi-debou comme sur les miséricordes, pour des question d'ergonomie : cela évite d'avoir le mauvais réflexe de poser le bras, et permet une meilleur visibilité du travail ainsi qu'une meilleur préhension du matériel, notamment lorsqu'ils tournent la feuille pour copier une nouvelle page dans le bon sens : travailler assis face à un pupitre est très malaisé (j'ai moi même mis en pratique pour comprendre).

Pour ce qui est des images : comme je l'ai dis une enluminure n'est ps une source documentaire directe, il faut toujours la recontextualiser pour en tirer des informations un tant soit peu probantes. Et au Moyen Âge on ne représente pas le réel, mais toujours des concepts, des idées, im faut vraiment attendre à la toute fin de cette époque (fin XIVe-XVe siècle, pour que la représentation du réel commence à vraiment devenir plus régulière).
enfin, le plan de Saint-Gall est d'abord un plan idéal, on sait désormais que le monastère de St Gall n'a jamais ressemblé à cela. En outre, je suis retourné voir le plan par acquis de conscience, et j'ai pu vérifier qu'il n'est absolument pas fait mention des "sièges des scribes"... on dis juste que "là se trouve le scriptorium au-dessus de la bibliothèque", sauf que tout le plan est un plan au sol. Donc d'une part on en sait pas si ce qui est figuré est 'espace de la bibliothèque ou celui du scriptorium, et en outre, comme c'est un plan au sol, il s'agirait plus vraisemblablement les armara de la bibliothèque.

Bien cordialement

Rémy Cordonnier

PS dsl pour les coquilles ! j'ai répondu de mon téléphone...

Claudine

Bonjour Rémy,

Veuillez excuser ma réponse tardive. Je sais que je fais souvent des raccourcis historiques et iconographique en sur-interprétant les images de mon corpus. Cependant, il me semble assez difficile d'imaginer tous les copistes debout entrain d'écrire et je rejoindrai ce que le prof. Ganz a dit. Sur tout mon corpus, je n'ai qu'une seule représentation d'un évangéliste debout. C'est un saint Luc enluminant (voir image de la fresque de la chapelle des Cordeliers à Briançon).
Les représentations de copistes sont figurés assis derrière leurs pupitres. Rien n'empêche qu'ils écrivent à main levée. C'est la manière dont on les représente d'ailleurs, la main droite qui écrit ne reposant pas sur le bi-feuillet.
Ensuite pour les coussins, il me semble bien qu'il y ait une part de vérité dans toutes ces images. On n'attendra pas le XVe siècle pour avoir le bon sens d'acquérir un peu de confort pour la position assise. Et ceci en mettant un coussin sur le siège du copiste. La variété des formes et tissus est grande et l'on peut même déceler des modes. Tout n'est sans doute pas symbolique même si la lecture de l'image l'implique. Entre tout et rien, je pense que l'on peut faire la part des choses.

Bien cordialement
Claudine

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    Dans Histoire et Images Médiévales, numéro 49, avril-mai 2013, pp.21-24
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    dans Histoire et Images Médiévales, numéro 47, décembre/janvier 2012-2013, pp.34-38.
  • Claudine Brunon: L'Inventaire du Scribe. Les Outils Indispensables pour bien Ecrire sur Parchemin avant l'Imprimerie
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  • Claudine Brunon: Le Vaisselier du peintre. Les contenants des couleurs médiévales
    En cours de rédaction ...
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