Aujourd'hui, nos sièges sont rembourrés pour notre plus grand confort. Au Moyen Âge, le copiste ou l'auteur restait des heures affairé à sa tâche d'écriture. Il se devait d'avoir un coussin pour une meilleure assise. Cela, les enlumineurs ne le peignent pas systématiquement. Voici quelques exemples selon le type de siège associé et lorsque que par exemple, pour le banc-trône, le coussin est presque figuré de manière systématique, nous avons choisi des exemples où il est de grosse taille.
Le tissu en lui-même pouvait être semblable à celui qui recouvre la table sur laquelle est posé le pupitre ou du vêtement de l'auteur ou bien encore de la même couleur que les reliures de livres.
Sur un tabouret :
Esdras, 700-725, Florence, Bibliothèque Laurentienne, Amiatinus I, folio 5
Saint Luc, Troyes, c. 1410, Londres; British Library, Harley 2934 folio 15
Saint Luc, Angers ou Nantes, c. 1440, New York, Pierpont Morgan Library, Ms M63 folio 14v
Sur le banc-trône :
(La plupart des évangélistes sur leur banc-trône ont un coussin).
Saint Marc, 1ère moitié du IXe siècle, BnF latin 17968 folio 55v
Bède le Vénérable, Homéliaire, Allemagne du nord, c. 1320, Baltimore, Walters art museum, Ms W.148, folio 3v
Saint Matthieu, Homéliaire, Allemagne du nord, c. 1320, Baltimore, Walters art museum, Ms W.148, folio 3r
Sur ces bancs-trônes, on pouvait mettre plusieurs coussins pour plus de confort ou pour se surélever :
Saint Mathieu, Lectionnaire de Godescalc, Rhénanie, 780-781, Paris, BnF NAL 1203 folio 1
Saint Luc, Salzbourg (?), 831-836, Paris, BnF latin 8849 folio 138v
Saint Jean, Saint Gall, IXe-Xe, Munich, Bayerische Staatsbibliothek Clm 22311 folio 221
Sur le siège en X :
Saint Jean, 1ère moitié du IXe siècle, BnF latin 17968 folio 125v
Saint Marc, Reims, c.860, New York, Pierpont Morgan Library, Ms M728 folio 63v
Sur un siège à lattes (dit de Dagobert et pliant pour certains) :
Froissart,1/2 ou 3e quart du 15e France du nord (?), Amiens BM 486 folio 1
Jean Berner, Nelkenmeister, 1490, Berne, Kunst museum
Sur une chaise à dossier plus ou moins haute :
Saint Grégoire le Grand, Salzburg (?), c. 1260-1264, Pierpont Morgan Library, Ms M855 folio 9r
Jean Miélot, 2nde moitié du XVe siècle, Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert1er, MS 9278, folio 10r
Sainr Luc, Paris, 1425-1450
Austin, University of Texas at Austin, Harry Ransom Humanities Research Center Ms 8 folio 17
Sur une cathèdre :
Saint Jérôme, Atelier de Jean Van Eyck, 1442, Détroit, Institute of art, huile sur papier sur bois, 19,9x12,5cm
Saint Jérome, c. 1460-1470, Cercle de Willem Vrelant, Baltimore, Walters art museum, Ms W.202, folio 244v
Sur un banc à dossier (ou un banc-tournis ?) ou sans :
Cabinet de travail d'un copiste, Composition de la sainte écriture, david Aubert, 1462, FlandresBruxelles, Bibliothèque Royale Albert 1er, Ms 9017 folio 40
Saint Marc, Heures de Jeanne de Castille, 1486-1506, Londres, British Library, Additionnal 18852 folio 189r
Et je ne résiste pas à vous montrer ce saint Matthieu qui utilise le coussin pour mettre ses pieds, sans doute pour se protéger de la froideur du sol :
Saint Mathieu, Paris, 1425-1430, New York, Pierpont Morgan Library, Ms M453 folio 16v
Chère Claudine,
Joli lot d'images ! Mais nouveau attention à ne pas surinterpréter la dimension documentaire de ces enluminures : cet élément du décor , à quelques exceptions près, est en réalité un instrument de decorum, d'apparat, lié à la tradition de représentation du copiste assis dérivée elle-même des figurations tard-antique et carolingienne des évangélistes à la fois en majesté : assis, sur un siège imposant et orné avec tous le confort, et dans leur travail de copiste... Or la copie, et l'enluminure au Moyen Âge s'est longtemps faite debout, face a pupitre, à main levée (d'où les complaintes que l'on trouve dans certains colophon sur la pénibilité du travail etc.), du coup les coussins ici ne sont plus des éléments qui viennent magnifier le personnage, montrer son importance et son autorité : d'ailleurs la plupart de vos personnages sont des évangélistes ou des saints. Le David Aubert est en revanche plus intéressant car il témoigne, pour le coup d'une évolution des pratiques. On est à la fin du Moyen Âge et dans l'atelier d'un clerc privé de renom, l'intérieur est probablement plus proche d'une certaine réalité. Et vous remarquerez qu'il n'est pas à proprement parler "assis" mais dans la même position que les religieux sur les miséricordes de leurs stalles : semi-debou. Toutefois, là encore il faut être prudent car dans la rhétorique picturale on distingue de nombreux éléments qui suggère un rapprochement entre l'écriture et la prière : le banc de copiste proche d'un banc d'église, la position des mains très rapprochées sur le livre ouvert comme pour une prière, l'assise comme sur une stalle et le décor du banc ouvragé comme des vitraux... bref : là encore il s'agit plus d'un message allégorique qu'un témoignage d'une réalité technique.
Ce qui serait intéressant c'est que vous enrichissiez vos corpus iconographiques de sources textuelles.
Bien cordialement,
RC
Rédigé par : Rémy Cordonnier | dimanche 29 avr 2018 à 10:32
Pourquoi croyez vous que les scribes du moyen age travaillaient debout? Sur le plan de St Gall on note les sieges des scribes dans le scriptorium, et toutes les illustrations montrent des scribes assis.
Rédigé par : David Gany | lundi 30 avr 2018 à 08:14
Bonjour,
En réalité is ne sont ni assis ni debout mais plus en position semi-debou comme sur les miséricordes, pour des question d'ergonomie : cela évite d'avoir le mauvais réflexe de poser le bras, et permet une meilleur visibilité du travail ainsi qu'une meilleur préhension du matériel, notamment lorsqu'ils tournent la feuille pour copier une nouvelle page dans le bon sens : travailler assis face à un pupitre est très malaisé (j'ai moi même mis en pratique pour comprendre).
Pour ce qui est des images : comme je l'ai dis une enluminure n'est ps une source documentaire directe, il faut toujours la recontextualiser pour en tirer des informations un tant soit peu probantes. Et au Moyen Âge on ne représente pas le réel, mais toujours des concepts, des idées, im faut vraiment attendre à la toute fin de cette époque (fin XIVe-XVe siècle, pour que la représentation du réel commence à vraiment devenir plus régulière).
enfin, le plan de Saint-Gall est d'abord un plan idéal, on sait désormais que le monastère de St Gall n'a jamais ressemblé à cela. En outre, je suis retourné voir le plan par acquis de conscience, et j'ai pu vérifier qu'il n'est absolument pas fait mention des "sièges des scribes"... on dis juste que "là se trouve le scriptorium au-dessus de la bibliothèque", sauf que tout le plan est un plan au sol. Donc d'une part on en sait pas si ce qui est figuré est 'espace de la bibliothèque ou celui du scriptorium, et en outre, comme c'est un plan au sol, il s'agirait plus vraisemblablement les armara de la bibliothèque.
Bien cordialement
Rédigé par : Rémy Cordonnier | samedi 05 mai 2018 à 19:55
PS dsl pour les coquilles ! j'ai répondu de mon téléphone...
Rédigé par : Rémy Cordonnier | jeudi 10 mai 2018 à 10:24
Bonjour Rémy,
Veuillez excuser ma réponse tardive. Je sais que je fais souvent des raccourcis historiques et iconographique en sur-interprétant les images de mon corpus. Cependant, il me semble assez difficile d'imaginer tous les copistes debout entrain d'écrire et je rejoindrai ce que le prof. Ganz a dit. Sur tout mon corpus, je n'ai qu'une seule représentation d'un évangéliste debout. C'est un saint Luc enluminant (voir image de la fresque de la chapelle des Cordeliers à Briançon).
Les représentations de copistes sont figurés assis derrière leurs pupitres. Rien n'empêche qu'ils écrivent à main levée. C'est la manière dont on les représente d'ailleurs, la main droite qui écrit ne reposant pas sur le bi-feuillet.
Ensuite pour les coussins, il me semble bien qu'il y ait une part de vérité dans toutes ces images. On n'attendra pas le XVe siècle pour avoir le bon sens d'acquérir un peu de confort pour la position assise. Et ceci en mettant un coussin sur le siège du copiste. La variété des formes et tissus est grande et l'on peut même déceler des modes. Tout n'est sans doute pas symbolique même si la lecture de l'image l'implique. Entre tout et rien, je pense que l'on peut faire la part des choses.
Bien cordialement
Claudine
Rédigé par : Claudine | dimanche 26 août 2018 à 21:45