Eleonor Wabster Bulatkin a rédigé un article intitulé "The spanish word Matiz. Its origin and semantic evolution in the technical vocabulary of medieval painters" dans Traditio, Studies in ancient and medieval history, thought and religion, volume X, 1954, pp.459-527. Il concerne aussi un petit traité sur le mélange de couleurs que l'on utilise pour faire les ombres et les lumières en peinture médiévale. Elle propose une traduction plutôt intéressante des verbes matizare, faire des rehauts de lumière et incidere, faire des traits de dessin sombres. Pour mettre en lumière la peinture et pour tracer en foncé, il faut parfois mélanger certaines couleurs mais d'autres s'utilisent pures.
Voilà comment on peut peindre en lisant le traité médiéval De Coloribus et mixtionibus - Des Couleurs et des mélanges :
- Pour peindre avec l'azur, on mêle ce bleu avec du blanc de plomb et l'on couvre la surface à peindre délimitée par le dessin de l'image. On dessine au pinceau ou à la plume sur cette surface les parties sombres avec de l'indigo, qui est plus foncé que l'azur. Il peut s'agir de plis de vêtement que l'on va ainsi modeler. On place ensuite les lumières, les rehauts de blanc de plomb. Ce sont des traits fins blancs qui rendent lumineuse une peinture ou un enluminure.
- Pour peindre avec le vermillon, on recouvre la surface à peindre de cette couleur puis on dessine sur ce rouge les parties sombres avec du brun ou du sangdragon. On peint ensuite avec de l'orpiment en modelant la partie rouge pure (qui a servit de base) avec ce jaune (peut-être en hachure pour la période gothique).
- Autre manière de peindre avec le vermillon. On mêle le vermillon avec du blanc de plomb et l'on fait une couleur que l'on appelle rose. On peint la surface. Puis, on dessine ensuite sur cette surface rouge en mi-teinte avec du vermillon pur. On fait ensuite des rehauts avec du blanc de plomb.
- Autre manière d'utiliser le rouge. On fait une couleur avec du sangdragon et de l'orpiment. On peint avec puis on dessine ensuite en foncé sur cette surface rouge avec du brun. Enfin, avec de l'orpiment, on modèle la partie rouge faite du mélange de sangdragon et d'orpiment avec ce jaune.
- Pour peindre avec un rose que l'on appelle carminium ou carum minium, on peint la surface avec ce rose qui est un mélange de rouge (minium, cinabre ou autre) avec du blanc de plomb, puis on dessine en foncé sur ce rose avec du brun. Avec du minium, on modèle la partie rose avec ce rouge.
- Autre manière de peindre avec un rose. On fait une couleur rose plus claire que la précédente en mélangeant du carminium avec du blanc de plomb que l'on applique sur la surface. On peint ensuite les ombres avec du carminium. Puis, on fait des rehauts de blanc de plomb.
- Pour peindre avec du rouge de folium (préparé avec la Chrozophora tinctoria). On applique cette couleur sur la surface que l'on veut peindre, puis on peint les ombres avec du brun. On rehausse avec du blanc de plomb.
- Autre manière de peindre avec le folium. On mélange le folium avec du blanc de plomb pour faire une mi-teinte, on applique. On dessine les ombres avec du folium pur et on rehausse avec du blanc de plomb.
- Pour peindre avec de l'orpiment. On applique ce jaune sur la surface et on dessine les ombres avec du rouge vermillon. Mais il n'y a pas de rehauts de blanc car l'orpiment ne se mélange pas au blanc de plomb. Ils sont incompatibles.
- Pour faire un vert gladium, on mélange de l'orpiment avec du noir ce qui donne un vert. On peint de ce mélange la surface à peindre. Puis on dessine en noir les ombres et on modèle la partie verte avec de l'orpiment.
- Pour peindre avec une couleur verte semblable, on prend de l'azur que l'on mêle de blanc de plomb. On applique ce mélange de bleu clair et on dessine les ombres avec de l'azur pur. On rehausse de blanc de plomb et quand toutes les couleurs sont sèches, on couvre toutes les couleurs de jaune de safran en glacis, claro croco (le jaune étant dilué avec de la glaire d'oeuf).
- Pour peindre avec un vert de Grèce. On détrempe ce vert-de-gris avec de l'acide (du vinaigre). On applique ce vert sur la surface à peindre. On dessine les ombres avec du noir et l'on fait des rehauts de blanc avec un blanc fait avec des cornes de cerfs.
- Autre manière de peindre en vert. On mêle du vert avec du blanc de plomb et on peint la surface. On dessine les ombres avec du vert pur et on rehausse avec du blanc de plomb.
- Pour peindre avec du vert pâle nommé gravetam ou granetus selon les sources. On applique ce vert pâle sur la surface à peindre puis on fait les ombres avec du vert pur et on rehausse avec du blanc de plomb.
- Pour peindre avec du jaune de safran. On applique ce jaune sur la surface ; on fait les ombres en rouge avec du vermillon et on rehausse avec du blanc de plomb.
- Pour peindre avec du bleu indigo. On applique ce bleu sur la surface ; on fait des ombres avec du noir et on modèle l'indigo avec de l'azur, de dernier étant plus clair que l'indigo qui est un bleu foncé.
- Autre manière de peindre avec de l'indigo. On mêle de l'indigo avec du blanc. On applique sur la surface ; on fait les ombres avec de l'azur et on rehausse de blanc de plomb.
- Pour peindre avec du brun. On applique cette couleur sur la surface. On fait les ombres avec du noir et on modèle le brun avec du rouge de minium.
- Autre manière de peindre avec le brun. On mêle au brun du blanc de plomb pour faire un rose, on recouvre la surface. On fait les ombres avec du brun et on rehausse avec du blanc de plomb.
- Pour peindre avec un beige. On mélange du jaune de safran avec du blanc de plomb. On peint la surface avec ce jaune. On fait les ombres avec du jaune de safran et on rehausse avec du blanc de plomb.
- Pour peindre avec du rouge de minium. On peint la surface avec ce rouge. On fait les ombres avec du brun et on rehausse avec du blanc de plomb.
- Pour peindre avec un rouge foncé. On mélange du rouge de minium avec du brun. On applique sur la surface. On fait les ombres avec du noir et on modèle le rouge foncé avec du rouge de plomb (minium).
- Pour peindre les carnation. On fait un mélange de rouge de plomb (minium) et de blanc. On fait les ombres avec du vermillon et on rehausse avec du blanc de plomb.
Soit au total 29 couleurs à utiliser pures ou en mélanges. Ces dernières sont au nombre de 13, soit un peu moins de la moitié.
Remarquons que ces couleurs sont parfois plus nombreuses selon les traités. Ici nous avons choisi un exemplaire du XIIe siècle contenu dans la Mappae Clavicula.
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