Au chapitre I du Liber de Coloribus
illuminatorum siue pictorum, publié et traduit en anglais par Daniel Varney
Thompson Jr dans Speculum en 1926, il y a la première recette de
terre verte qui est très intéressante. Dans la cornue, se fait la préparation du
pigment et sa détrempe à la glaire d’œuf. On entrevoit aussi un possible mélange avec soit de l’orpiment
soit avec du blanc. Cette recette propose donc la
fabrication de trois couleurs : la Terre Verte pure, le vert jaunâtre et
le vert blanchâtre. La
Terre Verte est une terre comme son nom l’indique. Ce minerai se nomme aussi glauconite ou celadonite qui contiennent du fer. La terre de Vérone est célèbre à
la Renaissance.
Texte latin de la recette :
« Uiride terestre molendum est cum aqua sicut
ceteri colores qui molendi sunt, et postea ponendum est in quolibet
cornu ; et postquam aqua eius siccata fuerit, ponenda est in eo glarea
oui. In eo si ponas auripigmentum, erit uiride corceum. Item si album ponas in
eo, erit album uiride ».
Traduction française :
« La
Terre Verte se broie avec l’eau comme on le fait avec les autres couleurs qui
sont à broyer ; et ensuite, mets-la dans la cornue que tu voudras –in quolibet cornu-. Et quand l’eau est s’est évaporée et la terre
verte sèche –et postquam aqua eius
siccata fuerit- , doit être mis [dans ce pigment sec contenu dans la
cornue] de la glaire d’œuf. Si l’on met
de l’orpiment [dans la Terre Verte ainsi détrempée] sera le vert jaunâtre –viride croceum- ; de même si tu y
mets du blanc, sera le vert blanchâtre [pâle, dégradé] –album viride-. »
Le
broyage de la Terre Verte se fait à l’eau mais l’auteur ne dit pas si l’outil,
notamment la pierre à broyer, qui doit être utilisé est en pierre marmore, petra ou lapide. Parfois, c’est indiqué. Peut-être qu’il faut
utiliser un mortier pour bien réduire en poudre la Terre Verte car elle est à
l’état naturel dure. Un renseignement est aussi donné en ce qui concerne le
broyage des couleurs en général. Elles se broient toutes à l’eau.
Puis,
cette première étape achevée, on transvase le pigment ainsi préparé, mouillé et
bien réduit en poudre, dans un récipient. Mais rien ne nous dit avec quel
instrument on prend sur la pierre à broyer le pigment pour le mettre dans la
corne. Il s’agira sans doute d’un couteau.
La consistance que doit avoir la pâte n’est pas indiquée. Elle devait être
plus ou moins liquide car l’eau qu’elle contient doit s’évaporer pour que l’on
ait un pigment sec. Ces deux tours de main correspondent clairement à la
préparation du pigment. Ce n’est pas encore la couleur à proprement parler.
Vient
ensuite, la transformation du pigment en couleur prête à être appliquée sur le
support et travaillée par l’artiste. Cette phase s’appelle la détrempe. Elle
est parfois indiquée par le mot distemperatio
dans les réceptaires. Ici, c’est de la glaire d’œuf qui est utilisée. Ce liant
est l’albumen du blanc d’œuf que l’on prépare de deux manières. Soit on plonge
dans le liquide une éponge et on en expresse le liquide à plusieurs reprises.
Soit on le bat. Dans les deux cas, doit rester une solution limpide comme de
l’eau. La préparation est prête à être utilisée. On peut y mettre un clou de
girofle pour la conserver. La couleur Terre Verte est donc ainsi prête à être
utilisée par le peintre.
Cette
première couleur verte sert à la fabrication de deux autres teintes. D’un point de vue pratique, on peut se
demander si la cornue qui sert à la détrempe à l’œuf de la terre verte, sert
aussi à faire les mélanges de couleurs. Dans l’affirmative, les deux mélanges
ne pourront être faits dans ce récipient. Et il ne restera que la couleur
obtenue par mélange dans la cornue. Et il faut choisir l’une ou l’autre couleur
à mélanger avec soit l’orpiment soit le blanc. Si l’on veut avoir les trois
couleurs, il faut prendre la Terre Verte de la cornue et en verser un peu dans
deux petits récipients, comme par exemple des coquillages marins, avant de
faire les mixtures. Et conserver dans la cornue, une partie de la Terre Verte
initiale. Les coquilles seront alors le
lieu où se font le vert jaunâtre à l’orpiment et le vert blanchâtre au blanc. On aura donc une cornue de Terre Verte, un coquillage de Terre Verte-Orpiment et un coquillage de Terre Verte-Blanc.
Extrait de mon livre Le Vaisselier du peintre.
Les Contenants des pigments et des couleurs médiévales.
À paraître en 2015
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Dame Chlodyne
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