Dans les représentations de saint Luc écrivant, on peut voir dans un exemple du XIIe siècle, un lutrin pupitre sur pied avec des graduations sur le plateau. Elles servaient peut-être à tracer les traits de réglure ?
Saint Luc, Munich, Bayerische staatsbibliothek Clm 16003 folio 143, Passau milieu du XIIe siècle
Le Scriptionale est portatif. Ce sont deux planches de bois réunies qui servent à poser la feuille de parchemin sur laquelle on écrit. J'ai dans mon copus de la corne-encrier, 6 enluminures figurant ce type de mobilier. Je vous renvoie à mon Article précédent et aussi à un article plus ancien et aussi celui-ci.
Viollet le Duc en a donné la définition. La voici : "Scriptionale : Pupitre que l'on plaçait sur les genoux pour écrire, ou qui était monté sur pieds. Ce meuble est d'un usage très ancien ; on le voit figuré dans les manuscrits grecs et latins du IXe siècle et il ne cesse d'être employé jusqu'au XVe siècle. Les scriptionales portatifs les plus anciens se composent de deux tablettes de bois réunies par trois planchettes verticales, de façon à former comme une petite boîte, dans laquelle on rangeait les rouleux ou les feuillets de velin, le grattoir et les plumes. La tablette supérieure était munie d'une queue percée à son extrémité pour y placer une écritoire en corne."
Voici les images :
Saint Grégoire et le scribe Petro
Sacramentaire de l'évêque Warmund d'Ivrea, c.966-1002
Ivrea (Italie), Bibliothèque capitulaire 86 folio 8v
Saint Jérôme écrivant
Explenatio Isayae prophetae, XIIe siècle
Auxerre, Bibliothèque municipale 17 folio 17v
Vulfage écrivant
Vie de saint Amand
Abbaye de saint Amand, entre 1066 et 1107
Valenciennes, Bibliothèque municipale 502 folio 117v
Venance Fortunat écrit la Vie de sainte Radegonde
Tours ?, 1100
Poitiers, Bibliothèque municipale 250 folio 21v
Pline taillant sa plume (un esclave l'éclaire avec une chandelle)
Histoire naturelle, 1150
Le Mans, Bibliothèque municipale 263 folio 10v
Pour faire suite à l'article précédent, voici des cornes-encriers décorées avec du doré, peut-être de l'or. Dans le dernier exemple, on voit que les cornes sont reliées à un cordon ou une chaînette se terminant par un bouchon.
st Jean (Historisches Archiv der Stadt Köln HAStK 7010 312 folio 160r) Xe siècle
St Luc (Historisches Archiv der Stadt Köln HAStK 7010 312 folio 110r) Xe siècle
Au fil de mes recherches sur Internet, pour réunir un corpus sur les scribes et leur corne-encrier, j'ai trouvé un manuscrit avec trois des évangélistes ayant une corne-encrier décorée d'un embout en bronze ou en or. Il s'agit du mansucrit Hastk 7010 312a conservé à Cologne (Historisches Archiv der Stadt Köln). La datation est du milieu XIIe siècle.
Voici les images :
détail de la corne-encrier
St Jean (folio 170v)
détail de la corne-encrier non décorée
J'ai remarqué sur certaines enluminures représentant des auteurs, qu'il y avait des essais de plume à côté de la corne-encrier.En effet, lorsque le calligraphe veut écrire avec sa plume, il doit tout d'abord essuyer le surplus d'encre qui risquerait de faire une tâche. Pour cela, deux solutions s'offrent à lui. La première consiste à essuyer sa plume contre l'ouverture de l'encrier. La seconde solution est de faire des petits traits droits au brouillon à chaque fois que l'on plonge la plume dans l'encrier pour reprendre de l'encre. Ces traits se font sur la feuille de parchemin qui recouvre le pupitre.
Je vous propose une courte vidéo qui montre ces essais de plume et trois enluminures d'auteurs.
Auteur, Roman de la Rose, c.1490-1500, Londres, British library 4425 f133
(Cliquez sur l'image pour la voir plus grande)
Saint Luc, Avignon 1390-1394, Collaborateur bohémien de Jean de Toulouse,
Avignon Bibliothèque municipale 71 folio 3v
Saint Marc écrivant
Flandres 1500
Vente du 21.5.2012 à Ketterer Kunst
La corne-encrier est un objet très souvent représenté dans les enluminures. C'est une corne de boeuf évidée dans laquelle les scribes puisaient l'encre noire destinée à la sainte Ecriture et autres textes médiévaux. C'est une encre au carbonne ou bien ferro-gallique (à base de noix de galles).
Ce type d'encrier, pas commode à utiliser de part sa forme troconique, ne tient pas droite toute seule ! Il faut à tout prix la rendre stable et libérer ses mains pour l'écriture. Plusieurs solutions sont visibles à l'image. Soit la corne-encrier est tenue par une autre personne (il n'est pas rare de voir dans ce rôle les symboles des évangélistes). On peut penser que ce personnage est celui qui a la charge de préparer l'encre tant dans sa fabrication que dans son conditionnement.
Une autre solution, la plus souvent proposée par l'enlumineur, consiste à ficher la corne dans un trou dans une planche ou un lutrin en bois. Cette dernière servant de support à l'écriture du texte. Ces planches ne sont pas toutes les mêmes. Cependant, il s'agit généralement d'un lutrin sur pied dont la planche est inclinée. Le scribe peut alors aisément tremper sa plume dans l'encrier ainsi stabilisé et écrire son texte. La corne ne risque pas de se renverser.
Autre cas de figure, la corne est tenue droite par une lanière de cuir. La corne-encrier peut se trouver sur l'accoudoir d'une chaise, contre un mur, contre une table mais généralement elle se situe contre le lutrin-meuble.
Voici quelques enluminures qui viennent illustrer ces propos :
Saint Luc, Bilibothèque de l'Arsenal 591 f118v
Saint Luc, Reims, Bibliothèque municipale 13 folio 92v
Saint Grégoire, British Library, Harley 3011 folio 69v
Jacques de Guise, Paris, Bibliothèque Sainte Geneviève 809 folio 2
J'ai relevé dans le Glossaire archéologique du Moyen Âge et de la Renaissance, au mot 'Peintres', des mentions de pierres à broyer et de la table sur laquelle elle repose.
"A Henry de Vulcop, pour acheter de l'or batu, azur et autres couleurs, et une pierre de marbre à broyer lesdites couleurs pour paindre le chariot [de la reine], 87 livres, 10 sous tournoi (Archives nationales KK 55 folio 123v°)."
"Pour une selle de fort boys [à] quatre piez à asseoir le marbre dudit paintre, à broyer ses couleurs et matieres dont il paint, 5 sous tournoi."
Je me suis amusée à décalquer la table à quatre pieds où se trouve une pierre à broyer et un broyeur de couleurs.
Dessin de Claudine Brunon d'après le Boccace, Femmes nobles et renommées (1401-1403)
Paris, Bibliothèque nationale de France 12420 f86
Bien que ce titre soit évocateur, je ne vous proposerai pas une recette d'encre rouge mais des images de fioles d'encre rouge associées aux travaux d'écriture des scribes. J’ai pu récolté neuf enluminures de fioles d’encre rouge. Ainsi, saint Jean, saint Luc et saint Marc sont peints avec cet ustensile. Il y a aussi Jean Argyropoulos et Platon qui travaillent avec.
Du XIe au XVe siècle, les récipients en verre qui contiennent ces encres colorées, sont présents parmi les outils de travail de l'écrivain oriental, byzantin notamment, et italien. On trouve en grande majorité l’ampoule de verre à panse ovoïde et au col fin plus ou moins long. Se voit aussi à l’image une aiguière en verre avec une anse et un bec verseur. On peut aussi observer une fiole à deux anses. Voici ces images :
Saint Jean, Constantinople, début du XIe
siècle,
Paris, Bibliothèque nationale de France,
grec 64 folio 157v
Saint Luc, provenance inconnue, XIIe
siècle,
Paris, Bibliothèque nationale de France,
supplément grec 914 folio 156v
Saint Jean, Constantinople, 1270-1280,
Oxford, Bodleian Library, E.D. Clarke 6 folio 269v
Saint Marc, Constantinople, 1270-1280,
Oxford, Bodleian Library, E.D. Clarke 6 folio 92v
Saint
Jean, Trapezunt (?), 1286
Oxford, Bodleian Library, Laud. Grec 3 folio 121
Saint Marc, Constantinople, milieu du XIVe
siècle,
Oxford, Bodleian library, Canon Gr. 38 folio 89v
Saint Luc, Turquie, Xizan, surb gamaliêl, 2ème
moitié du XIVe siècle,
Paris, Bibliothèque nationale de France,
manuscrit arménien 333 folio 124v
Jean Argyropoulos, Organon d’Aristote, Italie, 1455-1460,
Oxford, Bodleian library, Barocci 87, folio 33v
Platon, traduit par Marsile Ficin, Opera,
Naples entre 1491 et 1493
Londres, British library, Harley 3482 folio 4
Extrait de mon livre Le Vaisselier du peintre.
Les Contenants des pigments et des couleurs médiévales.
(à paraître en 2015 )
________________
Dame Chlodyne
Saint Luc, saint patron des peintres et des médecins est connu pour ses représentations entrain de peindre la Vierge Marie avec ou sans l'enfant Jésus. Je vous propose de découvrir quelques une de ces peintures.
Nous pouvons aussi voir des variantes dans les images. Marie avec l'enfant peut se tenir à côté de saint Luc écrivant ou bien sur un tableau accroché au mur.
Saint Luc peignant la Vierge à l'enfant, Derick Baegert, Munster
Saint Luc écrivant, la Vierge à l'enfant Jésus se tenant derrière lui, Hermen Rhode, Lubeck
Saint Luc écrivant avec un tableau de la Vierge à ses côtés,
New York, Pierpont Morgan Library 834 folio 15
Saint Luc écrivant, portrait au mur de la Vierge à l'enfant,
Amiens, Bibliothèque muniscipale, ms Lescalopier 20 folio 17v
Saint Luc tenant le portrait de la Vierge Marie,
Tours, Bibliothèque municipale 2042 folio 8
Les commentaires récents